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— Mais enfin, Mère, brama Waldhaus, je vous rappelle que Monsieur a été convoqué à titre de témoin d’un duel, pas pour se promener !

— Ah, parce que vous en êtes encore là ?

— Oui, j’en suis encore là et ces messieurs ici présents…

— Eberhardt, vous me fatiguez ! J’ai pris la peine de me déplacer pour vous expliquer que vous avez commis une sottise de plus et dérangé ces messieurs à une heure indue pour du vent. Il vous reste, si je me suis fait clairement comprendre, à présenter vos excuses à votre innocent adversaire, remercier vos amis de vous avoir soutenu, et à rentrer chez vous… Et j’ai bien dit chez vous ! Pas chez moi ! Quant à ma fille, je pense que vous n’en aurez plus d’autres nouvelles que par vos avocats… Messieurs, ajouta-t-elle avec un sourire épanoui qui engloba tous les participants, je vous salue ! Prince, pardonnez-moi si je vous enlève votre ami mais j’ai une foule de choses à lui dire et je le ferai raccompagner à son hôtel ! Viens ici Cléopâtre : nous retournons à la voiture !

Et elle s’éloigna avec Adalbert à qui elle avait confié sa canne.

Le silence des grandes catastrophes suivit son départ. Ce fut Aldo qui le rompit :

— Eh bien, Messieurs, que vous en semble ? Si vous êtes toujours dans les mêmes dispositions, baron, j’y souscrirai…

— Après ce que nous venons d’entendre, intervint le général, je pense que cette rencontre n’a plus de raison d’être. Votre opinion, Waldhaus ? Sincèrement ?

— Il se peut que vous ayez raison ! fit-il de mauvaise grâce. Il n’en demeure pas moins que M. Morosini dînait avant-hier avec mon épouse…

— Dois-je répéter, dit Aldo patiemment, que j’étais invité à voir de plus près certain éventail ayant appartenu à l’impératrice Charlotte du Mexique ? Vous n’avez pas voulu me croire et pourtant c’est la stricte vérité. Maintenant, si les excuses évoquées par Mme Timmermans vous contrarient, sachez que je n’en veux pas. J’attends votre décision.

— Vous avez tous deux fait preuve de votre courage, reprit le général. Ce sera consigné dans le procès-verbal. Je suis d’avis de nous séparer…

On se salua protocolairement ; Aldo rendit son épée, reprit ses vêtements et rejoignit la voiture en compagnie de François-Gilles. À sa grande surprise, celui-ci avait perdu son air empesé et souriait aux anges :

— On dirait que ça vous a amusé ?

— Mon Dieu, oui ! J’aurais regretté de ne pas avoir assisté à ce spectacle. Cette dame est la plus étonnante que j’aie jamais vue. Et quelle classe ! Vous pouvez me dire qui elle est ?

— Mme Timmermans. Son époux était le roi du chocolat belge et, comme vous l’avez compris, elle est la belle-mère de mon adversaire. Plus pour longtemps il me semble.

— Comment est sa fille ? La baronne ?

— Charmante, primesautière et complètement folle ! Ou d’une redoutable hypocrisie ! Songeriez-vous à poser votre candidature ? ironisa-t-il. Vous pourriez faire pis : ces dames sont fabuleusement riches ! Ça compte, paraît-il, dans l’ex-capitale des Gaules ?

— Oui, mais pas chez moi. Et j’ai d’autres projets ! Pensez-vous que M. Vidal-Pellicorne sera longtemps absent ?

— Rassurez-vous, ils ne vont pas passer la journée ensemble ! L’espace d’un petit déjeuner, sans doute. Et à propos, si nous allions prendre le nôtre ?

Adalbert reparut peu avant midi. Non seulement son admiratrice et lui avaient pris le petit déjeuner au club-house de Chiberta mais encore ils avaient fait un parcours de golf. Ce qui avait eu l’avantage de lui rouvrir l’appétit :

— Quelle femme étonnante ! déclara-t-il à la « famille » réunie en dépliant sa serviette. Je n’ignore plus rien du pourquoi de la conduite de sa fille l’autre soir !

— Parce qu’il y a une explication logique ? fit Aldo, le regard noir.

— Oh, oui ! Pardonne-moi d’avance, mon vieux, si j’égratigne ton amour-propre mais ça tient en peu de mots : Agathe a un amant…

— Mais elle m’a pratiquement juré qu’elle n’en avait pas ?…

— Elle t’a menti. J’explique. Elle venait de jurer la même chose à son mari au cours d’une scène violente – une occasion saisie au vol ! – à la suite de laquelle elle avait claqué la porte derrière elle pour rentrer chez sa mère. Le temps d’acheter son billet, Waldhaus était sur ses talons et elle a dû courir pour prendre son train, le mari à ses trousses. Par chance, une portière n’était pas encore fermée et un gentilhomme d’une remarquable élégance l’occupait…

— Arrête, veux-tu ?

— Non. C’est nécessaire. Un gentilhomme qui l’a attrapée au vol… et qu’elle a reconnu aussitôt. D’où l’idée de nouer une intrigue avec toi afin de faire croire à Waldhaus que tu étais l’amant en question. Tu te rends compte de l’aubaine que tu représentais ? Un prince, connu universellement, séduisant par-dessus le marché…

— Tu aurais tort de te plaindre, Aldo, remarqua Mme de Sommières, Adalbert a une façon d’égratigner merveilleusement sympathique !

— Ça, Tante Amélie, c’est la sauce qui fait passer le poisson. Et le poisson, c’est la douce Agathe me destinant au rôle de « chandelier ». En se fichant comme d’une guigne des conséquences. Si elle me connaissait à ce point, elle devrait avoir entendu parler de ma femme et de mes enfants ?

— Je n’ai jamais prétendu qu’elle était intelligente ! Rusée, oui. Et elle a poussé le vice jusqu’à te faire suivre par un détective privé. Que tu viennes à Biarritz l’arrangeait grandement, sa mère ayant l’habitude d’y passer le printemps. Ainsi elle était au courant de ta présence au casino l’autre soir !

Tenté de s’abattre sur la table, le poing d’Aldo se crispa :

— Dis-moi que je rêve ? Et c’est elle qui t’a raconté cette salade ?

— Qui veux-tu d’autre ? Elle est sa mère et souviens-toi qu’Agathe aussi nous a confié n’avoir jamais pu lui cacher quoi que ce soit. À présent c’est elle qui prend les choses en main. Elle fait venir son avocat afin de mettre en route la procédure de divorce…

— Sur quoi compte-t-elle s’appuyer ? fit Marie-Angéline, acide. C’est sa fille qui a abandonné le domicile conjugal et si en outre elle a un tendre ami, le divorce la mettra au ban de la bonne société !

— Si vous me laissiez parler ? Notre Agathe a, désormais, le meilleur des prétextes. J’allais vous apprendre que, après ton départ, Aldo, Waldhaus l’a battue comme plâtre. En rentrant hier matin, Mme Timmermans l’a trouvée dans cet état et a immédiatement appelé son médecin. En dépit des objurgations de sa femme de chambre, la baronne n’avait pas osé par crainte du ridicule. Le chirurgien l’a transférée sans attendre dans sa clinique où, dans l’après-midi, le capitaine de gendarmerie est venu dresser un constat. Tu vois, mon cher, tu es vengé.

— Je n’en demandais pas tant ! Elle est très abîmée ?

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